mars 2014 à 17:35:15
CHÂTEAU CORNELIE , L’HISTOIRE d’une VIE
« Pour simplement ressentir, apprécier et vivre le bonheur d’être à l’origine
d’un produit, le voir grandir et partager sa vie. »
Patrick Grisard
Découvrir Château Cornélie, c’est avant tout partir à la rencontre de Patrick, de sa vie, de son
histoire, de sa passion, de son immense humanité, de sa sincérité exemplaire, de sa droiture le
tout parsemé d’expériences, d’anecdotes, de joies, de peines, de grands coups de colère face à
la bêtise et à l’injustice, de doutes et d’interrogations…c’est tout simplement s’offrir un grand
moment rare et particulier, empreint de respect et d’amour, d’affection avec ce vigneron à la
sensibilité à fleur de peau.
Il l’aime à le dire lui-même, il est un vigneron rebelle aux traditions, aux aberrations, aux
tromperies et à l’injustice. Son cheminement est un combat pour que ses vins dont il
revendique l’appellation Haut-Médoc reflètent ce en quoi il croit et ce qu’il donne avec
amour, détermination et espérance dans tout son travail de vigneron acharné et positif malgré
toutes ses galères, ses douleurs et ses interrogation, l’absence de solidarité et de ce fait une
grande solitude à certains moments.
Cornélie c’est avant tout une passion, ses vins un plaisir, son combat un partage le tout
toujours avec bonne humeur quelque que soit la situation et une persévérance avec le sourire
quoiqu’il advienne avec la ferme volonté de ne donner que le meilleur en toutes choses.
J’ai rencontré Patrick en 2009 avec un groupe d’amis et un vigneron au même homonyme
d’une région différente mais tout aussi « fou » et déterminé dans sa passion. Partis pour passer
un petit moment dans son chai (il a fallu vraiment le chercher pour le trouver..), nous sommes
restés plusieurs heures à écouter ce « petit bonhomme » toujours souriant, toujours en alerte,
nous raconter son histoire avec une visite guidée, son histoire et la dégustation à l’époque de
ces quatre cuvées 2005, 2006, 2007 et Amabilis Vinea 2006. L’idée d’emporter avec soi un
sac de couchage m’effleure à chaque fois que je pense à ce moment là car avec Patrick, nous
savons toujours quand nous commençons mais jamais quand il va s’arrêter et l’idée de
l’interrompre est toujours délicat tant il est passionné. Il avait ce jour-là rendez-vous avec son
fils (il était déjà fortement en retard) sinon je crois que nous y serions encore…
Patrick Grisard est originaire de Loupiac, village connu pour ses vins moelleux. Peut-être est
ce la raison pour laquelle notre girondin passe une bonne décennie dans le plus prestigieux et
renommé château Sauternais, le Château d’Yquem d’où il va tirer profit pour ses propres vins
plus tard. Armé de cette expérience inespérée, il devînt directeur du château Sénejac en Haut
Médoc. Confort, position sociable et financière que chacun pourrait envier….. Pourtant, le
travail de la terre, des sols, l’élaboration d’un vin qui lui ressemble - un vin aussi vivant vrai
et vivace que lui en somme - viennent enrayer cette vie facile et aisée à tous points de vue.
Patrick est avant tout un homme de terrain, un manuel avec juste l’idée mais la ferme
intention de produire un vrai vin millésimé de terroir, avec une personnalité marquée par le
fruit, un vin avec « un corps, un coeur et une âme », un vin différent de tous ceux proposés
dans cette région. Son rêve de gamin qui était de devenir vigneron prend toute sa raison
d’être…et l’histoire de Cornélie commence. Pourquoi Cornélie ? Simplement en cherchant
dans le dictionnaire un synonyme correspondant à « Rêve de gosse ». Il tombe sur le terme
« Cornélia », prénom d’une femme qui s’est battue pour elle et sa famille avec ses tripes au
temps des Romains. Né de ce très ancien prénom féminin, Château Cornélie se rapproche le
plus de l’histoire de Patrick et au témoignage qu’il souhaite faire sur les femmes qui ont
modelé sa vie. Celles qui, parties trop tôt, et celle qui comble sa vie aujourd’hui, lui ont
transmis cette façon de voir la vie et d’aller toujours, malgré les difficultés, au bout de ses
idées.
Et quand il arrive sur Moulis en 2004, il s’installe dans son chai en fermage avec quelques
5ha de vignes à près de 25km de là, à Saint Sauveur en Haut Médoc où les sols sont argilocalcaires
avec des graves fines de type Villafranchien, ce qui permet une meilleure percée des
racines qui vont ainsi puiser en profondeur les éléments minéraux qui lui sont nécessaires et
offrir une meilleure résistance à la sécheresse pour permettre aux raisins de parvenir à une
maturité optimale. Aujourd’hui, il a abandonné le fermage et garde ses propres vignes qui
s’étendent sur un peu plus de 3ha. Proche de la Gironde et de l’océan, le climat permet de
bénéficier de très bonnes conditions pour amener chaque cépage vers une maturité optimale.
Son idée ? Ne pas perdre de temps et se mettre de suite au travail et dans une région où le
rendement est de 53à 56hl/ha en moyenne, oser couper les grappes et ainsi alléger les ceps,
trier et ne garder que le meilleur sans penser au rendement ( 50% du rendement autorisé voire
moins les années difficiles) lui a attiré plus d’une foudre de la part de ses voisins, de
nombreuses critiques et embûches, car aller à l’encontre des traditions n’était pas bien vu (et
ne l’est toujours pas)….Vigneron plus que soigneux, avec un sens inné pour l’observation,
aux attentions particulières pour ses vignes et ses vins (« respecte ton pied de vigne et il te
respectera ») , les rognages sont tardifs pour éviter aux entre coeurs de sortir et permettre une
régulation des rendements. Fermement attaché aux valeurs de l’agriculture biologique, il
s’interdit l’utilisation des insecticides, des engrais chimiques et autre anti-botrytis et pourrait
donc rejoindre sur le banc des accusés Emmanuel Giboulot menacé de condamnation et
d’emprisonnement pour refus d’obtempérer (http://ipsn.eu/petition/viticulteur_texte.php).
Patrick s’autorise aussi un travail d’expérimentation de manière à progresser dans sa
démarche de produire un vin différent, sain. Il est même allé à tenter des macérations
carboniques sur l’un de ses vins juste pour voir ce qu’il en résultait. Vinifications,
fermentations, élevage et choix de contenants, rien n’est laissé au hasard, tout est issu à force
de recherches, d’essais, de travail grâce à toutes ses expériences et surtout de don de soi, de
courage et de persévérance pour parvenir à l’expression du fruit, plus de complexité, plus de
puissance.
Lors de ma seconde visite en 2011, le changement était notable sur ces derniers millésimes et
les difficultés aussi, les conditions climatiques n’étant pas des plus favorables sans omettre
des situations conflictuelles aberrantes pour cet exploitant. 2012 et 2013 ont suivi le même
chemin et le rendement déjà réduit par choix de qualité de ce vigneron est à 5hl/ha en 2013
pour une récolte destinée à la distillation à moins d’un miracle….
Pourtant, c’est avec le sourire aux lèvres et de bonne humeur que Patrick et Corinne sont
venus ce week-end nous offrir une dégustation verticale de son Château Cornélie (2005 à
2011), ses Perles de Cornélie 2010 et son Amabilis Vinea 2006. Passion, courage, abnégation,
don de soi ? Je dirai tout à la fois pour cet amoureux de bons produits, cet écorché vif sincère
et franc à qui je demande de continuer à nous régaler simplement avec sa belle leçon de vie et
de courage. Sans oublier toutes ses histoires vécues qui jalonnent sa vie.
LES VINS de PATRICK
Son premier vin Château Cornélie, millésime 2005 est un vin composé de 52% de Merlot et
48% de Cabernet Sauvignon et élevé en fûts dont 7% sont des fûts neufs. Comme tout premier
« bébé », Patrick attend le verdict et est très sévère avec lui-même car le résultat ne lui
convient pas à 100%. Pourtant, ayant repris mes notes de 2009 jusqu’à ce jour ce vin à la robe
grenat aux reflets violacés, au nez franc, ouvert, riche en fruits rouges avec une arrière note
boisée et épicée, à la bouche riche et aux tanins enveloppant en cours d’évolution (en 2009),
et une finale légèrement épicée n’a cessé de m’étonner, de m’époustoufler par sa
gourmandise, sa rondeur, son évolution, son potentiel de vieillissement puisque encore très
loin de son apogée. Pour ma part, il a marqué mon esprit par son haut niveau de qualité, il est
l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur de l'appellation dans cette première année tant il me
surprend au fil du temps. A ouvrir deux à trois heures avant service ou mise en carafe une à
deux fois si voyage ou pas de possibilité d’attendre, servir à 14-16° et déguster sur des pâtés,
des rôties et terrines de viandes et/ou de gibiers, des viandes rouges grillées ou/et en daube,
des tajine de poulet, un magret de canard grillé, des fromages de vache affinés et un bleu gras
mais pas trop fort et pourquoi pas une déclinaison de foie gras et chaud avec une variation de
figues et cerises ou encore un moelleux chocolat et fruits rouges pour la surprise. Potentiel de
garde 10-15ans.
Château Cornélie 2006 composé de 51% merlot et 49% Cabernet Sauvignon élevé en fûts
dont 35% de fûts neufs présente un robe rouge profond auréolée d’un disque presque brun. Le
nez est intense et concentré sur des fruits noirs et rouges presque confits, avec des épices et
une pointe de moka. En 2009, la bouche fermée, aux tanins et au bois très marqués laissait
présager une grande évolution au fil des années. Aujourd’hui, il se révèle plus onctueux, avec
une trame moins serrée et plus fruitée, un moelleux agréable et une finale sur des tannins
moins rugueux, un côté torréfié inattendu, longue et persistante. Bien équilibré il a aussi
devant de belles années pour se révéler totalement dans une parfaite harmonie et un équilibre
idéal. Quelques anecdotes que je ne citerai pas ici nous prouvent qu’il sait créer d’agréables
sensations….A ouvrir quelques heures avant service ou double mise en carafe pour éliminer
le côté réducteur, servir à 15-17° et déguster sur des pâtés, des rôties et terrines de viandes
et/ou de gibiers, des viandes rouges en daube, un carré d’agneau en croûte de noix, des gibiers
à plume ou à poils, des fromages de vache affinés (vacherin fribourgeois),…et à tenter sur des
queues de lotte au curry avec un risotto noir au chorizo. Potentiel de garde 15-20 ans voire
plus…
Château Cornélie 2007 avec un rendement à 27hl/l’ha et un élevage 100% fût dont 45% de
fûts neufs, une prédominance de Merlot (60%) m’a d’emblée surprise lors de ma première
dégustation par sa robe cerise noire profonde avec des reflets légèrement violacés (qui se
rapproche de certaines Côte Rôtie dans leur début de vie). Son nez gourmand à souhait est
passé des fruits frais et rouges à des fruits noirs bien mûrs, avec des notes de sous bois et des
épices. En bouche, il séduit par sa concentration fruitée et se savoure mieux le côté boisé et
fermé commençant à s’atténuer pour laisser place à des tanins plus soyeux, une structure
agrémentée d’épices . La finale est longue et persistante, fine et équilibrée. A ouvrir quelques
heures avant service ou double mise en carafe servir à 15-16° et déguster sur des pâtés, des
rôties et terrines de viandes et/ou de gibiers, des viandes rouges grillées ou fumées, un
tournedos Rossini, des fromages de vache affinés,…Potentiel de garde 10-15 ans …
Château Cornélie 2008 avec un plus faible rendement que le millésime précédent (21hl/ha),
le Merlot prédominant à 66%, est un millésime d’expression gourmande. La robe est rubis
noir aux reflets grenat, profonde. Le nez est discret au départ puis, ouvert, révèle des notes de
mûre et de framboise très aromatiques. La bouche quant à elle est suave et gourmande,
puissante et douce tout à la fois, avec des saveurs fruitées et épicées agréables, des tanins en
cours d’évolution qui enrobent le palais, une finale tonique et longue. A ouvrir quelques
heures avant service ou double mise en carafe servir à 15-17° et déguster sur des pâtés, des
rôties et terrines de viandes et/ou de gibiers, un pavé de boeuf mariné aux trompettes de la
mort, des viandes rouges grillées, sautées et en sauce, des fromages affinés,…ou encore des
ravioles de langoustines dans leur jus. Potentiel de garde 10-15 ans …
Château Cornélie 2010 est un millésime avec 86% de Merlot (2009 : 85%) et un rendement
de 24hl/ha (2009 : 21hl/ha)…La robe est d’un beau rubis dense aux reflets vermillon. Le nez
quant à lui est ouvert et franc, sur les fruits rouges frais, les fruits noirs compotés, les épices
douces et une légère note florale. La bouche révèle un côté charnu (même si ce vin est encore
jeune), une structure fruitée et florale légèrement épicée soulignée par des tanins en cours
d’évolution. La finale est gourmande, généreuse d’une grande persistance. Encore très
juvénile, ce millésime révèle de belles promesses de dégustations pour de nombreuses années
à venir (15-20ans voire plus). A ouvrir quelques heures avant service ou double mise en
carafe servir à 15-17° et déguster sur des mousses de volaille, des charcuteries, des rôties et
terrines de viandes et/ou de gibiers, des ris de veau braisés au jus de viande réduit, des viandes
rouges grillées, sautées et en sauce, des fromages affinés et/ou à pâte dure,…A découvrir sur
des ravioles aux trompettes des morts et girolles…
Château Cornélie 2011, le dernier né mis en bouteille (le 2012 attendra quelques mois
supplémentaires) toujours dans la même lignée des deux millésimes précédents soit 90% de
Merlot et 18,5hl/ha, présente une robe rubis, brillante et profonde. Le nez se révèle très fruité,
avec quelques notes épicées et une trame florale. La bouche se révèle fraîche et gourmande, la
structure souligne des tanins vifs et jeunes, la finale est longue et gourmande. Equilibré et
harmonieux, il nécessite comme ses prédécesseurs à être ouvert avant service ou une double
mise en carafe, servir à 15-17° et déguster sur des mousses de volaille, des charcuteries, des
rôties et terrines de viandes et/ou de gibiers, des ris de veau braisés au jus de viande réduit,
des viandes rouges grillées, sautées et en sauce, des fromages affinés et/ou à pâte dure,…ou
un magret de canard aux baies roses,…
Méduli 2010, « second vin » de Château Cornélie, 90% Merlot 10% Cabernet Sauvignon. Un
rendement de 24hl/ha. Une robe rubis aux reflets rouges, intense. Un nez aux notes de fruits
noirs biens mûrs et d’épices. Une attaque puissante et gourmande, une structure marquée par
des tanins en cours d’évolution qui enrobent le palais. La finale est longue et persistante,
fondante. Très bel équilibre et surtout très bon rapport qualité/prix pour ce vin à servir à 14-
16° et déguster sur des mousses de volaille, des charcuteries, des rôties et terrines de viandes,
un tartare de boeuf, des viandes rouges grillées, sautées et en sauce, des fromages de vaches et
un carreau de chocolat noir….
Les Perles de Cornélie 2010, Vin de France, 100% Merlot du jamais vu dans le Haut
Médoc !!! Une toute petite production pour les amoureux des vins de convivialité axés sur la
douceur acidulée des fruits rouges mêlés aux agrumes. Une robe un tantinet saumonée,
limpide et brillante, un nez très gourmand et intense de fruits rouges, de fruits blancs à noyaux
mûrs, une bouche fraîche et rafraîchissante puis une structure fruitée, acidulée avant une
finale tonique et longue saveurs agrumes et herbacée. Un petit joyau d’équilibre et de
personnalité pour un apéritif haut en saveurs. A servir à 10-12° simplement ou accompagné
de petits toasts mousse de foies, de saumon, une viande blanche ou filet de poisson à la crème
ou d’une salade ou d’un bavarois de fruits rouges, d’un sorbet aux agrumes ….
Amabilis Vinea 2006, 76% Merlot, issu d'une vinification particulière, lors de laquelle, par
une technique proche de la saignée, le jus est séparé de son marc et mis en barriques, sans
bois neuf. Le vin y effectue alors la fin de sa fermentation alcoolique, puis sa fermentation
malolactique. Après l'assemblage et un élevage de 12 mois, sans aucun soutirage, cette cuvée
a été mise en bouteille début 2008. La robe est d’un beau rouge pourpre intense. Le nez est
abondant d’arômes de fruits rouges mûrs, de notes d’épices, légèrement épicé. D’une trame
tannique et puissante en attaque, il s’avère enveloppant en structure, charnu et gourmand avec
des saveurs épicées telles que la cannelle. La finale est fruitée, fruits rouges, agrumes, fruits
blancs, complexe, longue, persistante. Une cuvée exceptionnelle pour ce « vin de l’amitié » à
ouvrir la veille et servir à 15-17° avec des tajines, des viandes grillées, sautées et/ou poêlées,
des gambas grillées au safran et rattes à l’huile de truffe, un risotto de noix de Saint Jacques
au curcuma, des fromages à pâtes persillées, et une salade de fruits rouges au beurre de
cassis…
« Tout ce que l’homme a de bon, il le transmet au vin : courage, gaieté, foi, persévérance,
amour, optimisme. Tout ce que la nature a de beau, elle le communique au vin : chaleur,
force, lumière, couleur, mystère. »
Louis Orizet.